JOUR 1
Il est 16h00 lorsque nous nous enfonçons dans le bois. En contrebas, on peut entendre les grands mâles bramer au fond de la vallée.
Au bout d'une dizaine de minutes, nous tombons sur une vieille connaissance : "la Tige". Nous avons déjà croisé la route de ce beau cerf en 2009 et en 2011. Son nom vient de la forme allongée de son bois gauche.
Nous explorons le territoire qui ne change que peu d'une année sur l'autre et nous nous installons pour un affût. Trois cerfs nous entourent, mais ils se dérobent à nos regards et au regard de nos objectifs.
Un pic épeiche vaque à ses occupations sans se douter de notre présence. Un vol de mésanges à longue queue me sort d'une léthargie contemplative.
Nous remontons à la nuit, parlant déjà de notre affût du lendemain matin. Lorsque que nous démarrons nous surprenons un chouette hulotte.
JOUR 2
Il est 6h30. On avale un café et on saute dans la voiture, direction les profondes forêts ariégeoises. Le jour se lève à peine. Tout juste la voiture est garée que nous pouvons entendre les râles des cervidés. On s'équipe de nos tenues de camouflage, et on plonge dans le sous-bois en ombres furtives. La pente est raide, mais les cervidés qui fréquentent les lieux ont façonné de véritables chemins.
La lumière est superbe.
Toutes ces années d'observations et je n'ai pas de bonne image de cerf qui brame.
Cette année, j'en veux une.
Et soudain les choses bougent... Valentin marche devant et me fait signe de m'arrêter.
On s'accroupit sur terrain découvert. Face à nous, trois cerfs se brament les uns sur les autres.
Le moindre mouvement est interdit quand on se trouve dans le champ de vision de ces animaux.
Nos membres s'engourdissent avec des positions inconfortables et chaque appel des bêtes en rut est l'occasion d'esquisser un léger mouvement pour retrouver une position plus adéquate.
Ils sont encore loin et prendre des images n'est pas facile.
C'est alors qu'un bruit de course arrive de l'arrière. On se plaque au sol en espérant que "ça" va nous éviter!
Une biche et un jeune cerf jaillissent des fougères juste derrière moi. Ils passent à moins de deux mètres de nous.
Nos coeurs battent à tout rompre et l'on entend les pas plus lourds de leur poursuivant. Instinctivement, nous rampons tous les deux pour se sortir du passage. On retient notre soufle mais il stoppe sa course à seulement quelques mètres.
Sentant quelque chose, il nous contourne et se met à bramer. On est plaqué au sol. L'instant est incroyable. On se regarde, les yeux débordants de l'émotion de cette rencontre imminente.
Il sort enfin des fougères et se rapproche... Pendant plusieurs minutes, il est juste là. Il est impossible de brandir nos appareils de capture d'images... Il est trop près...
On profite de l'instant.
C'est extraordinaire.
Puis il continue sa ronde en se dirigeant vers les trois autres cerfs maintenant éparpillés.
Mais l'un d'eux, resté sur place, ne compte pas laisser ses quartiers à ce nouvel arrivant.
Il se rapproche de nous.
Il est sur ses gardes et met en fuite son nouveau rival.
.
Il est face à nous, la lumière est parfaite...
Il choisit une nouvelle place...
Je la tiens mon image!
Cette matinée surréaliste restera pour toujours dans nos mémoires.
Nous partons manger et nous revenons sur le site vers 16h00.
Nous arrivons en faisant le moins de bruit possible dans les feuilles craquantes.
L'après-midi est magnifique, il fait même chaud. Les cerfs brament mais ne nous approchent pas... Un jeune cerf me contourne, peut-être le fuyard du matin...
Puis, face à moi, de l'autre côté du vallon, je vois du mouvement. L'animal surveille et brame. Le soleil est déjà couché et la forêt est calme. Je ne réussis que cette photo, mais je profite de sa présence à une vingtaine de mètres pendant presque une heure.
La nuit tombe et je ramasse quelques cèpes en remontant à la voiture. En arrivant à la route, nous voyons un cerf et ses biches dans le contre-jour du levé de lune.
JOUR 3
Il fait à peine jour quand nous plongeons dans le bois. Le temps est toujours superbe, mais on est samedi et il y a plus de monde dans la forêt. Au loin, les coups de fusils de la chasse au petit gibier résonnent. Les cerfs se font discrets et ne viennent pas à nous. Mais plaqué contre mon arbre, j'observe la vie du bois.
Les grimpereaux nous entourent et la famille des mésanges est là au grand complet.
Mésange huppée, mésange charbonnière et mésange bleue.
Il y a aussi le discret troglodyte et l'incontournable sittelle torchepot.
Puis, deux renards passent dans les fougères, près de nous, sans se douter de notre présence.
La matinée n'est pas finie et en remontant vers la voiture,
on fait une nouvelle rencontre.
Il fait toujours aussi beau et la lumière est superbe. Faire une image, c'est attendre le moment où l'animal va se lever, choisir une position qui ne pourra plus changer. J'ai callé mon appareil et je vois son bois dans mon objectif. En sortant la tête, je peux voir l'animal bramer à quelques mètres de moi.
Puis il sort enfin et se montre. Tout est parfait, même s'il ne brame pas au moment où il passe dans mon piège à image.
Il est grand, élégant et fier, et ne semble pas inquiet de notre présence.
C'est le dernier soir, la fatigue se fait sentir.
La forêt est calme. Les cerf sont loin en contrebas. Mais on ne change pas notre tactique. On s'installe chacun près d'un bouquet d'arbres et on attend, on attend, on attend...
On s'endort... Le soleil passe derrière la montagne...
Il n'y aura pas d'images pour cette dernière sortie...
Quand soudain, sur notre gauche, deux cerf se mettent à bramer.
Ils sont remontés sans bruit et se font face.
C'est là que tout se déclenche. Le gros 12, vu la veille, met son rival en fuite et s'approche de nous et de son coin préféré pour lancer les hostilités. C'est énorme. Ils lance les premiers appels vers la vallée et tous les autres cerfs se réveillent. Ils se répondent. ils sont tout près de nous. Valentin est mieux positionné que moi : il filme l'animal pendant presque 30 minutes.
La lumière s’efface, mais elle me permet quand même d'immortaliser ces instants magiques.
Je peux à peine bouger, mais je réussis ces deux clichés que j'adore.
... J'en ai encore des frissons...
Merci pour ta visite Valentin,
et merci de me faire partager tout ça.
JOUR 4
On est mercredi soir et je reviens de la forêt. Je suis parti dans les bois espérant compléter mon reportage.
Dès mon arrivée sur le spot, j’aperçois un cerf à découvert. Je m'approche patiemment de lui et je grimpe contre un arbre. Je l'ai dans mon viseur quand une grosse voix se fait entendre juste sous moi. Je me cale le plus confortablement possible. Je suis parfaitement installé. Les petits bruit que je fais attire son attention et il laisse son adversaire un temps pour venir voir ce qui se passe.
C'est "la Tige"! Je peux voir sa grande pointe à juste quelques mètres de moi.
Il me tourne autour ; s'approche, repart. Il répond aux autres cerf et recommence.
Il fait le tour, il renifle, il brame.
Il est superbe. Je suis confortable.
J'ai tout le temps qu'il faut.
Le manège dure plus de 15 minutes, puis il passe sous les fougères pour ressortir pile à côté de moi.
La lumière est incroyable. Il n'y a rien entre lui et moi. Bien éclairé sur fond d'ombre...
Il me voit, il me regarde et ne s'inquiète plus.
Les nuages se déchirent et un brin de soleil vient éclairer la scène.
...
Ce soir, j'ai vu cinq cerfs différents et parmi eux, cette belle bête :
Il a les bois recouverts de boue, ce qui leur donne cette couleur blanche.
...
Je dédicace cette extraordinaire session 2012 à Valentin, Jérôme et Rémi.
Je pensait bien fort à vous face à ce cerf.
Merci de m'avoir transmis votre passion et d'avoir partagé vos connaissance de la nature avec moi.